Cuba – “Hasta la victoria siempre”
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Lima, 17 octobre 2016
Vendredi 25 mars.
Cela fait déjà quelques heures que l’avion a décollé de Panama et les lumières de La Havane apparaissent enfin, dispersées, étalées d’est en ouest le long de ce qu’on devine être la mer. Il fait nuit. Quelque part dans cette grande, ville, juste en dessous de nous, se déroule un évènement qui marque la fin d’une époque : les Rolling Stones donnent leur premier concert à la Havane, devant un million de personnes. Oui, les Rolling Stones sont à Cuba. Plus tôt dans la semaine c’est le président Obama qui foulait le sol cubain afin de travailler au rapprochement des deux pays. Semaine historique donc.
Lundi dernier, nous ne savions pas encore que nous passerions nos vacances à Cuba. Nous souhaitions partir dès le mercredi vers une quelconque destination, pourvu qu’elle offre suffisamment de parois verticales pour que l’occupation principale du séjour soit l’escalade. Bariloche en Argentine avait ma préférence. Hélas, le début de ces vacances coïncidait aussi avec la Semana Santa, la semaine sainte de Pâques, qui est synonyme de long week end au Pérou : les prix des billets d’avions se sont alors envolés durant les dernières jours. Il a même été envisagé de rester au Pérou, de visiter Huaraz et les falaises environnantes, mais El Niño continuait de perturber le climat et les pluies étaient encore quotidiennes.
Internet propose maintenant tout un tas d’outil permettant de comparer facilement le prix des vols. Depuis Lima, il apparaissait très vite que Cuba pouvait être une destination de choix : des vols abordables, le climat agréable bien que peut être un peu humide… et j’avais encore dans un coin de ma mémoire le récit de mon ami Olivier R. qui me parlait des possibilité de grimpe dans l’ouest du pays… Mardi soir les billets étaient achetés pour un départ le vendredi. Ce n’est qu’après avoir confirmé l’achat qu’il fallait admettre l’étendue de mon ignorance quant à cette destination : mes connaissances se limitaient à ce que j’avais pu retenir des cours d’histoire et de ce que les journaux nous apportent. Les clichés sont nombreux : cigares, rhum, Che Guevara, Fidel, … Je ne savais même pas à quoi m’attendre à La Havane. Au moment de réserver un logement pour la première nuit, il fallait faire face à un problème : Pâques, Rolling Stones, Obama sont autant de raisons de visiter le pays. Oui La Havane est littéralement envahie en ce jour et il est absolument impossible de trouver un toit pour la première nuit. Pour se loger à Cuba il y a deux options : dormir à l’hôtel, géré par l’état ou dormir chez l’habitant. Le coût d’une chambre d’hôtel est plutôt élevé et il semble bien plus intéressant d’aller passer quelques nuits dans les rues de La Havane. Après des heures de recherche, de coups de fils, il semble probable qu’une chambre nous attende pour notre arrivée…
De l’avion je cherche à apercevoir les lumières du concert. J’aurai aimé y être, mais il était impossible de trouver un vol qui arrivait plus tôt. Nous touchons le sol alors que les Rolling Stones sont probablement en train de quitter la scène. Le chauffeur de Taxi qui nous conduit vers « El Centro », au cœur de la ville, nous parle de son pays avec fierté et nous montre la foule qui marche dans les rues, la tête encore pleine de musique rock. Il nous offre même un petit détour afin de nous faire admirer le Sénat et quelques bâtiments richement éclairés avant de nous amener à la casa (maison) dans laquelle une personne doit probablement nous attendre. On sonne. Après quelques minutes un gardien endormi nous ouvre. Le chauffeur attend d’être certain que nous sommes bien au bon endroit. Dans la maison personne ne nous attendait, tout est plein. Il est plus de minuit. Écoutant nos explications le gardien décide d’aller réveiller le propriétaire. Avec un large sourire celui ci nous annonce qu’il y a finalement une chambre libre car des européens ont du annuler leur voyage au dernier moment.
Au réveil l’air est frais. La lumière du matin permet de prendre conscience de l’endroit : c’est une maison coloniale de 3 étages. Les chambres ainsi qu’un large séjour qui mène à un balcon sont au second. Le premier regard sur La Havane procure des émotions riches et variées.
C’est l’étonnement dans un premier temps. Les bâtiments de la rue sont tous décrépis, parfois proche de la ruine. Ce sont parfois des étages entiers qui ont disparus alors que visiblement le rez-de-chaussée est toujours habité. Sur certains immeubles la végétation a repris ses droits et c’est un arbre qui s’impose fièrement sur la dalle en béton, laissant ses branches défoncer le toit lorsque celui existe encore. Derrière des fenêtres sans vitre un enfant regarde les passants dans la rue.
Une sorte de fascination prend ensuite le dessus lorsque les premières voitures américaines passent rapidement sous le balcon, témoins d’une époque révolue partout ailleurs dans le monde. La Havane semble être cette bulle dans laquelle le temps ne s’est pas écoulé de la même façon qu’ailleurs.
Un petit malaise vient finalement clore cette première expérience : ne sommes nous pas ici en voyeur ? Quelle est la valeur de notre regard sur ce monde ? Qu’apportons nous réellement ?
Comme dans toutes les casas, les repas sont généreux et le petit déjeuner ne déroge pas à la règle. Le sympathique propriétaire est enchanté de rencontrer des touristes parlant espagnol et en profite pour nous montrer tous ses projets d’aménagement et solliciter notre avis.
Nous passerons les deux premières journées à sillonner les rues de La Habana Vieja, la partie historique de la ville qui est aussi la plus touristique, et du Centro. Timide au départ, je n’ose pas prendre trop de photos, par peur de gêner ou d’envahir un quotidien qui n’est pas le mien. Finalement certains passants prendront la pose avec un large sourire en voyant mon appareil, au volant d’une vieille Lada ou dans la rue cigare au bec. Un homme d’un certain âge m’aborde et me demande quelques sous pour le prendre en photo. Il me dit que c’est « son travail ». Je lui explique que pour moi aussi, prendre des photos est un peu mon travail et nous parlons de ce que je cherche à photographier. Il me raconte l’histoire de France qu’il connait probablement mieux que moi… Après quelques minutes, il prend la pose avec son voisin et me demande de faire une photo en souvenir.
Les rues principales, aux bâtiments rénovés, sont bondées de touristes. Les classiques boutiques de souvenirs sont alignées les une après les autres et l’ambiance n’est plus celle aperçue le matin. Tout semble plus artificiel, mais il suffit de sortit de ce circuit pour retrouver l’animation de la vie courante. Car finalement c’est ce qui marquera le plus : cette vie trépidante, les sourires, cette envie de profiter de ce qui est possible. La Habana est une ville particulièrement vivante.
Après deux jours de tourisme et de photos, il est temps de prendre la direction de Viñales, petite ville au cœur du parc national du même nom. C’est là que se trouvent la majorité des falaises de Cuba. Après trois heures de route un vieux taxi nous dépose devant la casa qui nous hébergera durant 4 jours. Nous avions (heureusement) réservé avant de partir en nous fiant aux recommandations du topo d’escalade. Ce qui marque immédiatement en arrivant dans la petite ville, c’est qu’ici tout semble rénové. Les maisons sont peintes de couleurs vives et beaucoup d’entre elles sont en travaux pour être agrandies. Depuis peu il est apparemment possible de proposer plus de chambres pour les touristes. Les propriétaires ont sauté sur l’occasion. Le niveau de vie semble plus élevé ici et notre hôte se montrera même au volant d’une Kia flambant neuve.
Les falaises sont visibles de la ville et s’atteignent en une vingtaine de minutes à pieds pour les plus proches. Pour cela il faut traverser des plantations de tabac et quelques fermes. Lorsque la lumière est bonne les contrastes sont saisissants : la terre est rouge, tout le reste est vert alors que le ciel bleu et les nuages jouent avec le soleil.
Le rocher est excellent et raide, garantissant une escalade plutôt athlétique. Nous ne visiterons que deux secteurs qui occuperont largement ces trois jours sportifs. Toutes les voies que nous grimperons proposent une escalade incroyable. Il serait possible de passer des semaines entières à grimper ici tant les possibilités semblent infinies.
Profitant d’un jour de repos, un petit tour vers la mer s’impose. Quelque peu en dehors des principales plages touristiques, il est facile de se retrouver ici sur du sable blanc, presque seul. Quelques poissons de taille modeste et dont j’ignore le nom attraperont mes mouches avant de rapidement retourner dans l’eau chaude et transparente.
En plus de l’incroyable rocher et des splendides voies, je retiendrai de Viñales le sourire et la tranquillité des gens croisés sur les sentiers et en ville, les images des charrues tirées par les bœufs, les carrioles tractées par les chevaux et l’amabilité des fermiers lorsque nous traversons leur propriété pour aller grimper. Ne sommes nous pas ici en train d’envahir quelque peu leur quotidien ? La limite entre une visite respectueuse et abusive est parfois difficile à définir et seul le comportement irréprochable des grimpeurs et randonneurs pourra garantir le maintient de ces bonnes relations. Raoul nous offrira des bananes en guise de snack tout en nous invitant à venir boire un Mojito sur le chemin du retour.
Le retour vers La Habana se fera en bus, plein de touristes. Nous regretterons le taxi de l’aller, finalement moins cher et bien plus sympathique. Le dernier jour à La Havane sera bien différent du premier, dans des rues quasi désertes de touristes.
Lorsque nous décollons pour Lima ce sont bien sur des souvenirs frais qui circulent en boucle devant les yeux, mais aussi des questions. On entend souvent dire de Cuba qu’il faut y aller maintenant, avant que cela ne change. Certes, le changement est amorcé. Les nouvelles voitures sont présentes, les bâtiments commencent à être rénovés, les habitants peuvent maintenant être propriétaires de leur maison. Ces changements sont inévitables voire nécessaires et apporteront probablement des améliorations à la vie quotidienne. Les gros changements ne viendront probablement pas du pays en lui même, mais de l’extérieur. Cuba sera probablement toujours une destination intéressante : la grimpe, la pêche, les plages ne changeront pas. Il est par contre probable que la vie, la ville, les infrastructures évoluent et fassent doucement oublier qu’un jour Cuba a suivi un chemin différent. Il n’est pas difficile d’imaginer que dans 20 ou 30 ans, Cuba aura rejoint tous ces pays qui évoluent plus ou moins dans la même direction. Est ce que l’on retrouvera encore cette vie trépidante et ces rues animées ?
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Lima, September 18th 2016
Friday, march 25th
Our plane took off a few hours ago and La Habana’s lights are finally appearing, sparse and spread out along what seems to be the sea. It is dark outside. Somewhere in this big city something that marks the end of an era is going on: the Rolling Stones are performing for free and for the first time in La Habana, in front of a huge crowd. Yes, the Rolling Stones are in Cuba. Earlier, the same week, President Obama was in this same city in order to work on the trade embargo between those two countries. Historical week then.
Last Monday we didn’t know yet that Cuba would become our destination for this week of vacation. We were looking forward to a climbing trip somewhere not too far, vertical and sunny enough. Bariloche in Argentina looked really appealing for a while. Halas, the beginning of our vacation was as well the beginning of the Semana Santa, the Easter weekend, which is as well a holyday in Peru: the price of the flights increased pretty badly. At some point we even thought about staying in Peru to visit Huaraz and the nearby cliffs but El Niño was still pretty active and it was pouring rain on a daily basis.
Luckily, there are a lot of tools on the Internet to easily compare flights prices. From Lima, it quickly appeared that Cuba could be the most interesting destination: affordable flights, good climate (maybe a tiny bit too humid at this time of the year)… and I remembered that my friend, Olivier R., went there and mentioned some climbing possibilities on the west side of the country. Tuesday evening the plane tickets were bought for a departure on Friday. It was just after validating the purchase that I realized that I didn’t know much about Cuba: all my knowledge was basically limited to what I remembered from my high school history class and to what I had read on the news. Clichés about the country are numerous: rum, cigars, Che Guevara, Fidel,… I had absolutely no idea about what to expect in La Habana. In order to balance our ignorance, we tried to plan at least our first night there, but Easter, the Rolling Stones and Obama are as many reasons to visit the country and La Habana was absolutely packed with tourists. It suddenly seemed impossible to find a roof for our first night. There are basically two kinds of accommodations in Cuba: state managed hotels and casa particular, which is more or less a small bed and breakfast. Hotels are expensive and to us, it seemed much more interesting to stay in the city and to exchange with people. After hours on the phone and on the Internet, it appeared that we might have found something.
From the plane I try to locate the concert light show. I would have loved to be there too, but it was impossible to find an earlier plane. We are finally landing when the Rolling Stones are probably leaving the scene. The taxi driver is taking us to “El Centro”, downtown. He speaks proudly of Cuba while showing us the crowd walking in the dark streets, coming back from the concert, head probably still full of music. He even takes us on a short tour near the Senate and some other interesting buildings before stopping in front of our casa particular. We are pretty sure that someone is waiting for us but after ringing the bell, a sleepy watchman carefully opens the door. The taxi driver is still waiting, just in case… Nobody was waiting for us in this house: it is full and it is past midnight. Listening to our explanations, the watchman decides to wake up the owner. Sleepy but smiling, the latter is finally leading us to a room: a couple of European had to cancel their reservation at the last minute.
It is chilly on the morning. The first light helps to understand the place: it is a 3 stories colonial house. Bedrooms and a large living room that leads to a balcony are situated on the second floor. From there, the first glimpse of La Habana brings a variety of rich and mixed feelings.
At first I feel astonished. In the street, buildings are decrepit or heavily deteriorated. Sometimes it is a couple of floors that have vanished while the first one is still occupied. On other buildings, nature is taking control of the concrete slab and it is not unusual to see a tree letting is roots and branches wondering between walls and roofs. Behind a window frame without glass a kid is looking at the growing activity on the streets.
Then, some kind of fascination is taking over when the first old American cars are quickly appearing, witnesses of a time that is considered past everywhere else in the world. It looks like time hasn’t elapsed here like it did elsewhere.
Finally some awkwardness brings an end to this first experience: are we not some kind of voyeur? What is our insight on this world worth? What are we really bringing here?
In every casa, meals are Gargantuan and our breakfast follows this rule. The very friendly owner is delighted to have Spanish-speaking tourists in his house and take advantage of it by showing us all his improvement projects and asking for our opinion.
We will then spend the two first days walking the streets of La Habana Vieja, the historical part of the city, the most touristic one as well, and of El Centro. Shy at the beginning, I dare not shoot too many photos, worried to overstep a boundary with a world that is not mine, but after a while, looking at my camera, a couple of kind folks are literally posing with a large smile, behind the wheel of an old Lada or smoking a huge cigar. An elderly man approaches and asks me to take a picture of him for some money. He immediately explains that this is “his work”. I reply that shooting pictures is more or less a job for me too. He seems cool with that and we chat about what I like to photograph. He talks about the French history and seems to know more than me about it… After this nice chat, he poses with his friend and asks me to take a photo as a memory.
The main streets with their renovated buildings are packed with tourists. The classics souvenirs shops are lined on both sides and the overall vibe is definitely different than what we felt on the morning. Everything seems too artificial, but stepping out of the main path just a little is enough to be back in the vivacity of the daily life. Indeed, it is this hectic life, those smiles or this willing to enjoy life as much as possible that I will remember. La Habana is an exceptionally lively city.
After two days of photos and tourism, it is time to head to Viñales, little town in the heart of the namesake national park. The large majority of the Cuban cliffs are located in this area. After 3 hours on the road, an old taxi stops in front of the casa that will be our home during 4 days. We somehow managed to book a room there, following the recommendations of our climbing guidebook.
Here, it looks like almost everything has been recently renovated. The houses are painted in bright colors and a lot of them are currently being expanded. It appears that every single house can now offer more rooms to tourists and the owners have jumped on this occasion. Therefore the standard of living seems higher here than in La Habana and our host will even appear driving a brand new Kia.
Cliffs are visible from the city and within walking distance. The path crosses some farms and tobacco plantations. When the light is good enough, contrasts are stunning: the soil is red, everything else is green and the blue sky and its puffy clouds are playing with the sunlight.
Rock is excellent and steep, offering an athletic style of climbing. We ended up visiting only 2 areas, but that was more than enough to fill our days. Every single route we climbed was absolutely amazing. It is probably possible to spend entire weeks here, as possibilities seem countless.
Taking advantage of a day off, it was perfectly normal to jump in a cab and head for one of those pretty isolated beaches. The crowd is small and for a couple of hours we have a piece of white sand for ourselves. I’m casting some flies in the transparent and warm sea and a couple of modest fishes are lured by it. I don’t know those colorful species but they seem greedy and voracious.
From Viñales I will mainly remember the smiles and the apparent tranquility of everyone we met on the trails or in town, the images of cows pulling a plow in the red soil and the kindness of the farmers when we are crossing their land to go climbing. Aren’t we invading a little their life? The limit between a respectful visit and an abusive one is sometimes hard to define and only a flawless behavior from climbers and hikers will help to keep those excellent relations. Everyday Raoul offered some bananas as snacks and invited us to get a Mojito on the way back.
A bus, packed with tourists, is bringing us back to La Habana. We kind of regret the charming old taxi we took 4 days ago, cheaper too. The last day in La Habana is totally different than the first one, in the streets almost empty of tourists.
When we are taking off for Lima our heads are, of course, full of fresh memories but of questions as well. I often hear that we have to visit Cuba now, before it changes forever. Of course, changes have started to occur. You see new cars in the streets; renovated buildings a bit everywhere and people can finally buy the house they are living in. Those changes are unavoidable, perhaps necessary and will probably bring improvement to the daily life. Big, deep changes won’t probably come from the country itself, but more likely from outside… Cuba will probably always be a very interesting travel destination: climbing, fishing or beaches won’t change much (hopefully…). On the other hand, daily life, cities or infrastructures will develop in a way that might slowly make us forget that one day Cuba followed a different path. It is not too difficult to imagine that in 20 or 30 years from now, Cuba will be like all those country that are more or less looking at the same direction. Will we still find the vivid life and animated streets?