Cordillera Huayhuash – Part II
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Tupac. Il y a un an, chassé de la montagne par la fièvre nous arrivions dans ce petit village Andin qui ne figure pas sur la plupart des cartes. Malade, c’était la mort dans l’âme que nous quittions la haute route de la Cordillère de Huayhuash (voir cet article) 5 jours d’antibiotiques et de repos m’avaient remis sur pieds mais surtout m’avaient donné suffisamment de temps pour que naisse l’envie d’y retourner, de terminer ce circuit autour de ces montagnes incroyables.
Avant de repartir nous avions décidés de reprendre notre circuit depuis ce même petit village isolé. Si le départ « classique » du trekking de Huayhuash est facile d’accès, ce n’est pas le cas des localités situées à l’est de la cordillère comme Tupac. Pour se déplacer, il est parfois possible de trouver un collectivo ou un taxi lorsqu’on a raté le bus journalier… lorsque celui-ci existe ! Aucune information n’est disponible sur internet et sur place, dans les villages, chacun semble avoir sa version des horaires… Les (mauvaises ?) habitudes de notre vie quotidienne doivent être abandonnées et il faut se laisser porter par la vie locale. Tout abouti toujours, il faut réapprendre à patienter.
Finalement, un bus tout à fait correct assure une liaison entre Chiquian et La Union, ville dans laquelle il faudra passer la nuit. Arrivant tard dans cette ville, les rues sont sombres, et les quelques panneaux mentionnant « hospedaje » sont peu encourageants. Comme souvent il faut demander… dans la rue on nous indique le « Picaflor » (le colibri). L’établissement semble être une boutique et le propriétaire, surpris d’accueillir des touristes, nous fait passer dans l’arrière-cour pour accéder aux deux ou trois chambres dont il dispose. 25 soles la nuit pour deux (7 euros). Nous dormirons sans défaire le lit, dans nos duvets…
A 5h30 du matin notre hôte toque à la porte : il a trouvé un combi qui part vers Baños, la dernière bourgade sur notre chemin. Le véhicule est vite plein : des passagers bien sûr, mais aussi un lit en kit, des barres à mine, des sacs divers et variés… La galerie supérieure sur laquelle se fixent nos sacs est un véritable monticule… Durant 3h, sur une piste poussiéreuse, le chauffeur évite les nids de poule, s’arrête pour laisser descendre quelqu’un au milieu de nulle part, prend un nouveau passager qui, loin de tout, patiente au bord du chemin. L’ambiance est sympathique et pour la première fois certains connaissent Tupac, notre destination ! À Baños un taxi attend des clients pour y monter.
Qu’il est agréable d’être à 4000 m dans ce petit village dont le souvenir restait embrumé par la fièvre. L’alcoolique du village nous accueille sur l’unique place : sa pommette est gonflée et le coin de l’œil est tuméfié et sanguinolent. Il est 10h du matin et il se balade avec 3 grandes bouteilles de bière. Visiblement il n’en est pas à sa première et veut nous offrir un verre que nous déclinons le plus poliment possible…
Acclimatés, entrainés, et en pleine forme, la montée se fait lentement histoire d’apprécier l’endroit, le calme et de laisser doucement les glaciers se dévoiler. Il ne faudrait pas brusquer la montagne en ce premier jour. Un berger quitte son poste à 200 ou 300 m pour venir nous serrer chaleureusement la main. Deux cavalières qui descendent vers le village sont ravies de voir des touristes emprunter ce sentier. Un tel accueil apporte une dimension humaine riche et sincère à ces montagnes hautes et rudes. Le camp de Huayhuash est atteint en un peu moins de 3 heures, suffisamment tôt pour profiter d’une après-midi ensoleillée et fraîche. Les agences viennent juste de commencer à installer les tentes pour leurs clients. Allongés dans l’herbe, le regard est sans cesse attiré par les glaciers qui contrastent merveilleusement avec le vert des pâturages et le bleu profond et immaculé du ciel. Les souvenirs des premières étapes effectuées l’année passée se bousculent. Les journées à venir sont les plus difficiles de la haute route, toujours au-dessus de 4300m. Le versant est de la cordillère est plus vert, moins raide et moins enneigé que le versant ouest vers lequel nous nous dirigeons.
En quittant le campement de Huayhuash, on quitte un certain confort puisqu’on abandonne le sentier balisé et tracé. On entre véritablement sur la haute route de la plus belle des manières, en s’élevant doucement dans les herbages tout en se rapprochant des glaciers. Le paysage déjà spectaculaire du camp ne cesse de s’enrichir d’un lac par ici, de séracs terrifiants par-là, avant de prendre une dimension de plus en plus minérale. L’euphorie est telle que je ne cesse de m’arrêter et de tourner sur moi-même pour être bien certain de ne pas rêver.
Les quelques centaines de mètres avant d’arriver au col du Trapezio sont inoubliables : des montagnes enneigées nous encerclent et le sommet massif et imposant du Nevado Trapezio au nord est souligné par des lacs glaciaires qui se perdent dans les pâturages. En arrivant au col, à 5100 m, c’est une explosion de couleur et de sensations : des lacs d’un bleu irréel, un paysage minéral particulièrement coloré, des parois verticales, des glaciers tourmentés… et ce silence incroyable.
Le reste de cette longue journée ne perd pas en intensité. En basculant vers le lac Jurau on tourne le dos au Trapezio pour pénétrer dans un cirque glaciaire qui confirme que le feu d’artifice continue ! Cette année les précipitations ont été tardives et abondantes : la montagne est encore enveloppée d’un manteau immaculé et étincelant. Il est presque douloureux de rester concentré lors de la traversée du glacier tant le regard est attiré de tous les côtés et, lorsque la vallée s’ouvre enfin et qu’il faut accepter de descendre, les eaux turquoise de quelques lacs nichés sous les glaciers et les falaises nous attendent. À partir de 16h le soleil disparait derrière une montagne et le froid est soudainement saisissant. Il ne faut pas oublier que c’est l’hiver ici…
Comment expliquer en quelques phrases la journée suivante ? Cela commence en remontant le torrent qui descend du Siula Grande et surtout de son glacier. L’endroit est bucolique et particulièrement paisible. Le soleil s’est levé il y a déjà quelques heures mais il lui faudra encore un certain temps avant de surmonter les montagnes de plus de 6000 m. C’est au fond de cette vallée que Joe Simpson et Simon Yates avaient placé leur camp de base en 1985.
Lorsque la vague sente commence à s’élever le spectacle commence. Sans prévenir, d’un coup, lorsqu’on lève les yeux c’est pour se prendre toute la hauteur et beauté du Siula Grande dans la face. Il faut du temps pour s’en remettre et il vaut mieux s’asseoir pour accepter la chose et apprécier la beauté du lieu et celle d’un instant qui ne laisse pas indemne.
On pourrait être tenté de s’arrêter là, de poser la tente et de passer quelques jours à s’en délecter… mais cela serait oublier que la journée ne fait que commencer… Tout comme le spectacle ! Le sentier a disparu, la pente herbeuse est très raide. Comme hier, à chaque pas le paysage s’enrichit. Le col visé est peu marqué, à peine une petite dépression dans l’arrête nord-sud, parallèle à la face du Siula Grande. L’éventail de couleur que Dame Nature a planté autour de nous est déconcertant et il va être difficile de faire admettre que mes photos n’auront pas été « photoshopées »…
Assis sur un rocher, à 5100 m d’altitude, je me régale encore une fois de la rare richesse de cet incroyable panorama. J’essaye de mémoriser chaque détail, chaque couleur, chaque sensation, le tout renforcé par cette solitude intense. En face, le glacier se jette dans le lac de Sarapococha. C’est dans ce labyrinthe de glace que Joe Simpson a rampé pendant 3 jours…
Notre itinéraire est maintenant plus évident : il suffit de suivre cette arrête rocheuse vers le nord. Il faut parfois mettre les mains au rocher, virer à l’est ou à l’ouest d’un rognon plus raide. C’est une progression entre ciel et terre dans un paysage à 360 degrés, vaste et grandiose. Encore une fois le feu d’artifice ne s’arrête pas même lorsque le bivouac à 4600 m, au lac de Caramarca, est atteint. Dans la sommaire description de cette haute route, il était indiqué que ce bivouac « semblerait sacré même aux yeux d’athées » !
Au matin, le froid est intense et même en s’activant on peine à se réchauffer. Une bise glaciale vient renforcer l’effet réfrigérant… Malgré la raide montée il faut s’arrêter et faire bouillir de l’eau afin de laisser le thé chaud redonner des sensations aux extrémités engourdies. Le glacier qui est devant nous est plus raide que je ne le pensais.
Quelques crevasses sont visibles et une vraie rimaye ainsi qu’un mur à 45 degrés viennent défendre l’accès au col. Les modestes et légers crampons de randonnée que nous avions choisis d’emmener atteignent leur limite dans ce type de terrain et la trace fraiche permet tout de même d’avancer rapidement et d’atteindre le col Rasac à 5100 m. Il s’agit de la dernière difficulté de cette haute route et comme souvent, c’est un sentiment complexe et contradictoire qui se fait sentir. Il s’agit d’un mélange de soulagement et d’aboutissement mêlé à la tristesse d’un adieu. Il reste une longue journée de marche pour rejoindre le sentier qui mène au fond de la vallée.
Incroyable, splendide, intense, et silencieuse, cette haute route de la cordillère Huayhuash est probablement le plus bel itinéraire de montagne qu’il m’ait été donné de parcourir. Les superlatifs manquent.
Tupac. A year ago, kicked of the mountain by a strong fever (read this post), we reached this small Andean village inexistent on most maps. Sick and incredibly disappointed, we were leaving the Cordillera Huayhuash “Haute Route”. 5 days of rest and antibiotics put me back on my feet, but, above all, gave me enough time to think about going back and finish this loop around those amazing mountains.
Before doing so, we had decided to resume our trip right from this same little remote village. The classic trailhead of the Huayhuash trekking is quite easily accessible but it is absolutely not the case for most of the places situated on the east side of the mountains like Tupac. It is sometimes possible to find a “collectivo” or a taxi in case the daily bus has been missed… if this one simply exists! Nothing is published on internet, and, in the villages, everyone seems to have his own version of the schedule… Finally, we found out a regular bus is linking Chiquian to La Union, a somewhat important city in the area where it will be mandatory to spend the night. Reaching this town quite late at night, the streets are dark and the few signs mentioning “hostel” are kind of discouraging. In those cases, it is often best to ask around in the street… The “Picaflor” (hummingbird) is immediately recommended. From outside, it looks like a shop and the owner is surprised to welcome tourists. After crossing a courtyard on the backside, he leads us to a bedroom for 25 soles a night for two (around 7 dollars). We ended up using our sleeping bags…
At 5h30 on the morning, the landlord knocks on the door: he found a combi for Baños, the last village before Tupac. The van is full: passengers of course, but a full bed, mining equipment, a bunch of bags of all kinds…
The roof rack is as big as the van. During 3 hours on a dusty road, the driver avoids the pot holes, stops to drop someone in the middle of nowhere, picks up a new passenger who, patiently, was waiting (who knows how long for!) on the road side. The chatting goes on and for the first-time Tupac sounds familiar to some people! In Baños a taxi is waiting for some clients heading to the little village.
How pleasant it is to move at 13,000 feet high in this little village! My memories of it were kind of fogged out by last year’s fever. The village’s drunk is welcoming us on the unique square: his cheekbone is swollen and the corner of his eye is all bloody and puffed up. It is 10 am and he is wandering around with three large bottles of beer. Obviously, those are not the first of the day. He is trying to offer us a drink and it is everything but easy to decline it politely…
Acclimatized, well trained and in great shape, we slowly leave the little houses behind to follow a good path. How could we not take our time to fully appreciate the place, the incredible calm and silence, and the unveiled glaciers? A shepherd drop his tools and quickly comes toward us to shake our hands. Two horsewomen on their way to Tupac are delighted to meet tourists on this trail. Such a warm welcome is unexpected and bring a deep and sincere human dimension to this Cordillera.
Less than 3 hours are necessary to reach the Huayhuash camp where I felt sick last year. It is early enough to enjoy the cool and sunny afternoon. The trekking agencies are just starting to set the tents for their clients. Lying in the grass, I can’t stop looking at the nearby glaciers and I’m amazed by the contrast between their whiteness, the surrounding green pastures and the immaculate blue of the sky. The next few days will be the hardest ones of the “Haute Route”, always above 14,000 feet high. The east side of the Huayhuash Mountains is greener, less steep and less snowy than the west part toward which we are heading.
Leaving the Huayhuash camp we are leaving the comfort of a good established trail as well. Here, the Alpine circuit really starts, climbing up the pastures while slowly getting closer to the glaciers. The already spectacular landscape is getting richer and richer: a lake here, some spectaculars seracs there… It is smoothly changing into a mineral world. I constantly need to stop and look all around to realize I’m not dreaming. The last minutes before reaching the Trapezio Pass are unforgettable and exhilarating: snowcapped mountains are surrounding us and the Nevado Trapezio on the North is underlined by turquoise glacial lakes merging into the green of the lower pasture’s grass.
At the pass, at 16,700 feet, the colors and feeling are simply overwhelming: out of this world lakes, mineral and colorful landscape, steep and vertical walls, rugged glaciers… and as usual now, the silence. After such a peak of beauty and emotion, our itinerary is not losing any of its intensity yet. On the other side of the pass, going toward lake Jurau, we have to let the Nevado Trapezio disappear to enter into a large and spectacular glacial cirque. The belated snowfalls were quite huge this year and the mountain is still wearing a shiny and immaculate white coat.
This place is too beautiful to not look at it and it is almost painful to remain focused when crossing the glacier. When the valley opens, it is time to accept going down. Under stonewalls and glaciers, the turquoise water of lake Jurau are waiting for us. After 4 pm, the sun is disappearing behind the mountains and the cold is immediately severe. Don’t forget it is winter here…
How can I describe the following day in a couple of sentences? It begins by following a creek. Its water comes directly from the glaciers of the Siula Grande. This is a bucolic and serene place. The sun rose a while ago, but it will need some more time before overlooking the highest summits. This is the valley where Joe Simpson and Simon Yates set their base camp in 1985. The show starts when the path is leading to a steeper terrain.
A bit later, without any warning, you look around and the height and beauty of the unveiled Nevado Siula Grande just knock you out. Take your time to bounce back, sit down, accept the fact and appreciate the beauty of this mountain. This is a rare moment that won’t leave you unscathed. It is almost tempting to stop here, set the tent and spend the next few day to enjoy the view… But the day has just started… so has the show!
The trail has disappeared and the grassy slope is pretty steep. Every step seems to enrich the landscape. The aimed pass is not well marked, just a little notch on the long North-South ridge that runs parallel to the Siula Grande face. The variety of natural colors around us is overwhelming and it is going to be hard to make people accept that my pictures have not been “photoshoped”. Another day at 16,700 feet high, bottom planted on a rock, I’m delighted by this rare view. I’m trying to memorize every single detail, color or sensation amplified by this intense solitude. In front of me, the glacier is merging into the Sarapococha Lake. Joe Simpson had to crawl for 3 days in this ice maze…
Our itinerary is now more obvious and follows the main ridge toward the North. It is sometimes mandatory to scramble a little, go east or west to avoid a steeper step. This is a progression between sky and earth in a 360-degrees landscape, vast and grandiose. One more time, the show doesn’t stop when the bivouac at lake Caramarca is reached. In the vague description of this “haute route” found online, it was mentioned that “this place would feel sacred even to atheist”.
On the morning, the severe cold is hard to fight even while moving and after hiking up the steep moraine it seems appealing to stop and boil some water. The hot tea brings some warmth to the numb extremities. The glacier ahead is steeper than I thought. A couple of crevasses are visible and a real bergschrund topped by a 45-degrees slope are standing between the Rasac Pass and us.
The lightweight hiking crampons that we brought are reaching their limit but a fresh track allows to move fast and to easily reach the pass at 16,700 feet high. It was the last difficulty of this alpine circuit, and, as often, a weird, complex and contradictory feeling is in the air. It is a mix of relief and achievement but the sadness of a farewell too. The trail is pointing down and a long day will be spent on it to reach the bottom of the valley and the main trail.
Incredible, splendid, intense and silent, this alpine circuit or “haute route” of the Huayhuash cordillera is probably the greatest mountain itinerary I got the opportunity to hike over 20 years in the mountains.
C’est assez cruel, Olivier, d’envoyer ce genre de photo-reportage… Vous chanterez moins quand vous serez à Paris, mais on vous attend tous les deux avec impatience. N’oubliez pas les crampons…
Didier
Après une telle balade une transition est nécessaire ! Un tour en France et à Paris nous ferons le plus grand bien !
Magnifique !
Merci Karine !
Wonderful place!!